Titre énigmatique pour une œuvre qui l’est tout autant et qui se laisse apprivoiser en douceur.
On sait à quel point le procédé formel détermine la compréhension d’une œuvre d’art, et à tout le moins sa substance . Regarder attentivement une de ces « Variations Mimétiques » présentées à Podgorica par Jarmila Vesovic, c’est littéralement découvrir la force de ce que je désignerai ici comme « l’Aléatoire » ou la rencontre périlleuse entre une série de pigments aux teintes sourdes ou uorescentes et un support tout à fait insolite puisqu’il est composé de feuilles de tarlatane, tissu gau ré, dont les aspérités vont laisser pénétrer la matière chromatique lentement, provoquer des interruptions brusques sur la surface qui va seulement être e eurée par endroits. La pulsion naturelle du geste, la dictée de la main de l’artiste vont être remises en question, ici puisque la surface particulière de l’œuvre détermine la trajectoire immédiate des pigments. Il y a incontestablement chez Jarmila Vesovic la volonté de parvenir avec ses moyens propres, et notamment cette délicatesse et cette précision que l’on perçoit dans son trait peint à nous laisser entièrement percevoir la poétique même contenue dans son processus formel puisque ce qui nous est donné à voir, dans ces variations mimétiques, c’est le processus même d’une nature en voie d’éclosion, d’un humus précoce qui se développent, peu à peu devant nous, strates par strates, mais, regardons attentivement, cela peut être tout aussi bien une cartographie de la terre vue de l’espace. Il y a en e et chez l’artiste une volonté d’e acer la forme au pro t de la couleur, laquelle seule va devenir « signe » narratif de l’œuvre même, le talent de Vesovic résidant justement, grâce à la richesse de sa palette chromatique à nous faire découvrir ses joies et mélancolies contenues dans ces mêmes pigments, dont certains (ôcres et dorés, notamment) rappellent ceux des enluminures du moyen âge. J’ai envie de dé nir ces « variations mimétiques » comme autant de propositions s’inscrivant dans une forme bien dé nie d’ « abstraction émotionnelle » car ces compositions constituent, selon moi des déclinaisons variées de souvenirs variés du passé et du futur. L’artiste nous o re en e et une iconographie sensible, dirigée par une vibration tout en retenue pour permettre à chaque couleur de raconter sa propre histoire et c’est tout particulièrement cette force allusive du pigment chez Vesovic, cette capacité objective à « oniriser » la « matière couleur » tout en lui laissant sa dimension tellurique que j’ai envie, en n de saluer ici.
Janica Đurić